Vatican II comme retour aux pratiques anciennes de l’Église primitive

 

Vatican II comme retour aux pratiques anciennes de l’Église primitive


Vatican II, ce n’est pas l’Église qui change de visage.
C’est l’Église qui remet ses habits d’origine.



Summary (en): Vatican II sought to renew the Church by rediscovering the faith and practices of the early Christian community. The Council’s documents explicitly revived ancient traditions – for example, active liturgical participation in local language, a greater emphasis on Scripture, the restoration of the multi‐stage catéchuménat for baptism, fuller communal celebration of the Eucharist, and a strengthened sense of the bishops’ college united under the Pope. In all these ways, Vatican II consciously drew on the “primitive” Church’s customs (often called ressourcement) to reawaken the modern Church. This article shows how Vatican II reconnected with the Fathers in liturgy, catechesis and governance, with concrete citations.

Renouveau liturgique et participation active

Vatican II, par la Constitution liturgique Sacrosanctum concilium, a voulu que la liturgie « exprime la noblesse, la brièveté et la simplicité » propres à l’Évangile, et qu’elle favorise la participation de tout le peuple de Dieu. Le concile insiste sur la participation active des fidèles : acclamations, réponses, chants des psaumes et gestes (incluant la posture du corps et les temps de silence) sont encouragés comme dans les anciens rites chrétiensvatican.va. De même, la place des langues vernaculaires est largement élargie : outre le latin, la « langue du pays » peut désormais être utilisée pour les lectures bibliques, les monitions et de nombreuses prièresvatican.va, renouant avec la coutume primitive de célébrer en langue commune. Sur ce point, Vatican II introduit en fait un aggiornamento analogue à celui des réformes protestantes précédentes – cf. l’usage du verbe « faire goûter la Parole de Dieu » – mais en le ramenant à la source sacramentelle catholique.

La Parole de Dieu au cœur de la liturgie

Un trait majeur du concile est la valorisation de l’Écriture Sainte dans la célébration. Sacrosanctum concilium rappelle que « dans la célébration de la liturgie, la Sainte Écriture a une importance extrême » (collectes, leçons, psaumes, prières découlant toutes d’elle)vatican.va. Pour concrétiser ce principe, le concile ordonne de restaurer une lecture plus abondante, plus variée et mieux adaptée de la Sainte Écriture dans la messevatican.va. Il réaffirme ainsi le lien intime du rite avec la Parole, comme dans l’Église ancienne où le prêtre se nourrissait longuement des Écritures pour instruire le peuple. La prédication elle-même doit puiser « à la source de la Sainte Écriture »vatican.va. En somme, Vatican II renouvelle le culte en le replaçant délibérément sous le signe des Écritures, confiant que les fidèles « écoutent avec foi » la parole du Christ vivante dans la liturgie, comme l’ancienne Église primait la catéchèse biblique.

Restauration du catéchuménat

L’un des exemples les plus clairs de retour aux origines est la restauration du catéchuménat (formation aux sacrements du baptême). Le concile déclare en effet : « On restaurera le catéchuménat des adultes, distribué en plusieurs étapes… afin que le temps du catéchuménat, destiné à une formation appropriée, soit sanctifié par des rites sacrés »vatican.va. Ce long processus en vue du baptême était un marqueur de l’Église primitive (des centaines de milliers de conversions rapides aux III-IVᵉ siècles ont montré son importance) : Vatican II l’a donc réintroduit dans la liturgie moderne. Ainsi le nouveau Rituel de l’Initiation Chrétienne des Adultes (RICA, 1972) s’inspire directement de la tradition ancienne (périodes de scrutins, rites d’entrée en catéchuménat, rites de passage). Le concile fait de cette initiative un symbole de ressourcement : redonner aux futurs chrétiens le temps de « vivre la foi, la liturgie et la charité du Peuple de Dieu » avant le baptême (comme l’exigeait déjà l’Église primitive).

Communion eucharistique et sacrements retrouvés

Vatican II renouvelle aussi le rapport des fidèles aux sacrements, surtout à l’Eucharistie, selon l’esprit de l’Église ancienne. Sacrosanctum concilium souligne que la communion eucharistique est « le sommet de la participation à la messe »vatican.va. Dans cet esprit, le concile recommande « fortement cette participation plus parfaite » où, après que le prêtre a communié, les fidèles reçoivent à leur tour le Corps du Seigneurvatican.va. Autrement dit, la communion au Corps du Christ est encouragée pour tous, rejoignant la pratique primitive où chacun participait à l’offrande du pain. Le concile va même jusqu’à réintroduire la communion sous les deux espèces pour certaines occasions solennelles (ordinations, professions religieuses, néophytes après baptême)vatican.va, renouant ainsi avec la tradition antique où le sang du Christ était aussi parfois partagé (deux espèces). De même, Vatican II rétablit la concélébration comme expression visible de l’unité sacerdotale. La Constitution liturgique rappelle que la concélébration « restait en usage…en Occident comme en Orient », et qu’en « heureux exemple » du passé, elle permet de manifester l’unité du sacerdocevatican.va. Cette mesure correspond au fait historique que les évêques – pasteurs co-responsables – assistaient autrefois en nombre aux grandes liturgies. Par ces gestes liturgiques et sacramentels (communion en commun, concélébration, rites d’initiation), Vatican II revendique clairement une continuité avec la pratique primitive de l’Église.

Collégialité épiscopale retrouvée

Au plan ecclésiologique, Vatican II réaffirme la vision « collégiale » héritée des premiers siècles. La Constitution Lumen Gentium définit ainsi les évêques comme successeurs des Apôtres formant « un seul collège apostolique » dont le pape Pierre est le chefvatican.va. Les Pères conciliaires insistent sur le fait que, depuis les origines, les évêques « étaient en communion entre eux et avec l’évêque de Rome » (unité dans la diversité) et prenaient les grandes décisions en concilevatican.va. Autrement dit, l’Église ancienne voyait déjà l’exercice de l’autorité comme un équilibre entre la primauté du pape et la responsabilité collégiale de tous les évêques. Vatican II réintroduit cette perspective : plutôt qu’un pouvoir papal isolé, l’autorité se vit à travers le corps épiscopal uni, pour le bien de l’Église universelle. Comme le résume le P. Louis Bouyer, « ce fut le grand privilège de l’Église primitive » que l’autorité du collège des évêques (dont le Pape est membre) ne fit jamais de l’ombre à celle de Pierre, mais s’y complétaitfrance-catholique.fr. En ce sens, le concile restaure l’ancienne collégialité des Apôtres pour orienter vers l’avenir un ministère pastoral « unitaire mais non unitariste » : une gouvernance fraternelle, non cloisonnée, qui renoue avec la tradition des Conciles œcuméniques et synodes antiques.

Points importants à retenir

  • Ressourcement liturgique : Vatican II a voulu rétablir un culte ressemblant à celui des premiers chrétiens – langue vernaculaire, longue liturgie de la Parole, chants et rites simples – afin que chacun participe activement au mystère.

  • Écriture Sainte centrale : Les textes bibliques redeviennent omniprésents dans la messe et la catéchèse : le concile ordonne « une lecture plus abondante » de la Biblevatican.va, comme chez les Pères, et les homélies doivent nourrir la foi par les Écritures.

  • Catéchuménat restauré : La formation des adultes au baptême (catéchuménat) est réintroduite sur plusieurs étapesvatican.va, renouant avec les « petits catéchuménats » antiques qui préparaient soigneusement les néophytes avant la consécration.

  • Communion eucharistique vécue en peuple : L’Eucharistie est affirmée « source et sommet de toute la vie chrétienne »vatican.va. Les fidèles communient régulièrement au Corps du Christ (après le prêtre)vatican.va et parfois sous les deux espèces, ce qui reflète le rituel ancien où toute l’assemblée recevait le repas du Seigneur ensemble. La concélébration ressuscitée témoigne aussi de l’unité du corps sacerdotal.

  • Collégialité des évêques : Comme autrefois, le pape et les évêques sont présentés comme un collège unique d’apôtres. Vatican II reconnaît que, dès l’origine, les évêques « sont tenus […] au service du bien de l’Église universelle »vatican.va, et il renouvelle cette pratique d’une responsabilité collective (assemblées épiscopales, synodes) en harmonie avec la primauté pontificalevatican.vafrance-catholique.fr.

  • Concept de « peuple de Dieu » : Tout l’Église est vue comme un peuple en marche (images bibliques) – comme dans l’Ancien Testament – où clercs et laïcs participent ensemble au sacerdoce du Christ. Cette conception démocratise en fait la foi, ramenant l’Église à sa « forme primitive » de communauté de baptisés autour de leurs pasteurs.

Définitions des mots-clés

  • Ressourcement : Terme (en vogue à Vatican II) signifiant le « retour aux sources » patristiques. C’est l’effort de faire revivre aujourd’hui les pratiques liturgiques et théologiques antiques pour renouveler la foi.

  • Aggiornamento : (Ital. « mise à jour ») : Esprit du Concile qui vise à adapter l’Église à notre époque. Plutôt que rompre avec la tradition, cet aggiornamento passe par un ressourcement créatif.

  • Catéchuménat : Ancienne pratique d’initiation chrétienne progressive des adultes avant le baptême. Restauré par Vatican II (SC 64) en tant que parcours liturgique de formation, avec rites intermédiaires (récemment codifié par le RICA).

  • Collégialité : Exercice du pouvoir ecclésiastique par un collège. Ici, désigne l’union des évêques entre eux et avec le Pape dans l’exercice du ministère apostolique – un principe lourd de sens chez les Pères de l’Église et redécouvert par Vatican II.

  • Concélébration : Action liturgique où plusieurs prêtres concélèbrent la messe ensemble. Pratiquée dans l’Église primitive, elle avait presque disparu en Occident jusqu’à Vatican II (cf. SC 57), qui l’a réintroduite pour manifester l’unité du sacerdoce.

  • Peuple de Dieu : Expression biblique (Exode, 1 P 2,9) réemployée par Vatican II (Lumen Gentium) pour désigner l’Église tout entière. Elle évoque l’Église ancienne comme peuple élu en marche, soulignant le rôle de chaque baptisé.

Conclusion/punchline : En invitant à « revenir aux sources des Pères », Vatican II a voulu que l’Église redécouvre sa mémoire pour mieux rayonner aujourd’hui. Ce retour aux pratiques antiques n’est pas une nostalgie gratuite, mais un souffle nouveau : en renouant avec l’esprit de l’Église primitive, le Concile ouvre une voie dynamique où la foi catholique puise son élan pour le monde de demain.

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