Eucharistie
La doctrine de la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie est l'une des croyances centrales de l'Église catholique, qui enseigne que le pain et le vin deviennent véritablement le corps et le sang du Christ lors de la célébration de la Messe. Cette croyance est ancrée dans les Écritures, les enseignements des Pères de l'Église, les conciles, les papes, et le Catéchisme de l'Église catholique, et elle a suscité des discussions importantes parmi les théologiens, notamment au moment de la Réforme.
1. Écritures
L'enseignement de la présence réelle repose principalement sur les paroles du Christ lors de la Dernière Cène.
Matthieu 26:26-28 :
« Pendant qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain, et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : Prenez, mangez, ceci est mon corps. Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna en disant : Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, répandu pour beaucoup, pour la rémission des péchés. »
- Cette déclaration est prise au sens littéral dans la tradition catholique, signifiant que le pain et le vin sont transformés en corps et sang du Christ.
Jean 6:53-56 :
« Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. »
- Ce passage, connu comme le discours du Pain de Vie, est fondamental pour la théologie eucharistique.
2. Pères de l'Église
Les premiers Pères de l'Église ont défendu la doctrine de la présence réelle avec force, voyant dans l'Eucharistie non seulement un symbole, mais une véritable participation au corps et au sang du Christ.
Saint Ignace d'Antioche (35-107) :
« Ils s’abstiennent de l’Eucharistie et de la prière parce qu’ils ne confessent pas que l’Eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ. » (Lettre aux Smyrniotes, 6,7).
- Ignace est l'un des premiers à affirmer clairement la présence réelle, dénonçant ceux qui la nient.
Saint Justin Martyr (100-165) :
« Car nous ne les prenons pas comme un pain ou une boisson ordinaires ; mais de même que notre Sauveur Jésus-Christ, par la parole de Dieu, s’est incarné et a eu chair et sang pour notre salut, ainsi la nourriture consacrée par la prière contenant les paroles du Christ et qui est changée en notre chair et notre sang, est la chair et le sang de Jésus incarné. » (Apologie, I, 66).
- Justin souligne que le pain et le vin deviennent véritablement la chair et le sang du Christ.
Saint Ambroise de Milan (340-397) :
« Avant la bénédiction des paroles célestes, il est appelé une autre substance ; après la consécration, c'est le corps du Christ. » (De mysteriis).
- Ambroise enseigne que la transformation des éléments eucharistiques est réelle et mystique.
- Saint Irénée de Lyon
(fin IIe siècle) fait également référence à l'Eucharistie comme étant le corps et le sang du Christ, affirmant ainsi la foi en la présence réelle dans ses écrits contre les hérésies.
Ces témoignages montrent que la croyance en la présence réelle de Jésus dans l'Eucharistie n'est pas une invention médiévale, mais qu'elle était déjà bien ancrée dans la théologie des premiers siècles chrétiens.
3. Conciles
La doctrine de la présence réelle a été formellement définie et défendue par plusieurs conciles.
Concile de Nicée II (787) :
Ce concile, en défendant le culte des icônes, fait également référence à la réalité de la présence du Christ dans l'Eucharistie.
Concile de Latran IV (1215) :
Ce concile utilise pour la première fois le terme "transsubstantiation" pour décrire le changement du pain et du vin en corps et sang du Christ.
- Le concept de transsubstantiation exprime que, par la consécration, l'essence (ou substance) du pain et du vin est changée en celle du corps et du sang du Christ, bien que les apparences (ou accidents) restent les mêmes.
Concile de Trente (1545-1563) :
« Par la consécration du pain et du vin, il se produit un changement de toute la substance du pain en la substance du corps du Christ notre Seigneur, et de toute la substance du vin en la substance de son sang ; ce changement, l'Église catholique l'a justement et exactement appelé transsubstantiation. » (Session 13, chapitre 4).
- Ce concile a réaffirmé la doctrine de la transsubstantiation en réponse à la Réforme protestante.
4. Enseignements Papaux
Les papes ont constamment réaffirmé la doctrine de la présence réelle dans l'Eucharistie.
Paul VI (1963-1978) :
« C'est une erreur de rejeter la doctrine que le Christ dans l'Eucharistie soit présent d'une manière véritable, réelle et substantielle. » (Mysterium Fidei, 1965).
- Paul VI a souligné l'importance de comprendre la présence du Christ comme réelle et substantielle, contre toute interprétation purement symbolique.
Jean-Paul II (1978-2005) :
« Le Christ ressuscité est réellement présent sous les espèces consacrées du pain et du vin. » (Ecclesia de Eucharistia, 2003).
- Jean-Paul II a insisté sur l'importance de l'Eucharistie comme centre de la vie chrétienne, où le Christ est véritablement présent.
5. Catéchisme de l'Église Catholique
Le Catéchisme de l'Église catholique explique et définit la doctrine de la présence réelle en termes théologiques accessibles.
- Catéchisme de l'Église Catholique (CEC 1374) :
« Dans le Très Saint Sacrement de l’Eucharistie sont contenus "vraiment, réellement et substantiellement le Corps et le Sang avec l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, et par conséquent, le Christ tout entier". »
- Le Catéchisme souligne la pleine réalité de la présence du Christ, affirmant la transformation substantielle des éléments eucharistiques.
Fêtes liturgiques et dévotion eucharistique
1. Moyen Âge : Fêtes et solennités
- La dévotion à l'Eucharistie s'est particulièrement renforcée au Moyen Âge, notamment avec l'institution de la Fête-Dieu ou Corpus Christi en 1264 par le pape Urbain IV, suite à une série de miracles eucharistiques (comme celui de Bolsena en 1263). La Fête-Dieu est dédiée à la célébration de la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie, et elle est toujours célébrée avec des processions et des expositions solennelles du Saint Sacrement.
- La procession de la Fête-Dieu est un événement liturgique majeur qui témoigne de l'importance de l'Eucharistie dans la piété médiévale, mettant en lumière la croyance populaire et l’expression publique de la foi en la Présence réelle.
2. Liturgie médiévale et adoration eucharistique
- En plus de la Fête-Dieu, la pratique de l'adoration eucharistique s'est développée au Moyen Âge. Les fidèles venaient adorer le Saint-Sacrement exposé dans les églises, renforçant la croyance et la dévotion envers la présence réelle.
- Les églises ont commencé à inclure des tabernacles pour abriter le corps du Christ après la messe, témoignant du soin avec lequel les chrétiens médiévaux vénéraient l'Eucharistie.
6. Théologiens et Penseurs Non Catholiques
Protestants
Les réformateurs protestants ont varié dans leur compréhension de la présence du Christ dans l'Eucharistie.
Martin Luther (1483-1546) :
Luther croyait en la "présence réelle" du Christ dans l'Eucharistie, mais il a rejeté la transsubstantiation au profit de la consubstantiation, où le corps et le sang du Christ coexistent avec le pain et le vin.
- « Christ est vraiment présent, "dans, avec et sous" les espèces du pain et du vin. »
Jean Calvin (1509-1564) :
Calvin croyait en une présence réelle spirituelle du Christ dans l'Eucharistie, mais il rejetait l'idée que le pain et le vin se transforment en la substance du corps et du sang du Christ.
- « Le Seigneur nous donne vraiment à participer à son corps et à son sang par l’Eucharistie, mais cette participation est spirituelle et non charnelle. »
Ulrich Zwingli (1484-1531) :
Zwingli a rejeté la présence réelle, considérant l'Eucharistie comme une commémoration symbolique de la Cène du Seigneur.
- « Le pain et le vin sont des signes, des symboles du corps et du sang du Christ, et non son corps et son sang réels. »
Orthodoxes
L'Église orthodoxe partage la croyance en la présence réelle, bien qu'elle n'utilise pas le terme de transsubstantiation.
- Saint Nicolas Cabasilas (1322-1391) :
« Par l'action du Saint-Esprit, les dons eucharistiques deviennent véritablement le Corps et le Sang du Christ. »
- Les orthodoxes croient en une transformation réelle mais mystique, sans chercher à définir exactement le processus comme dans la théologie catholique.
La croyance en la Présence réelle du Christ dans l'Eucharistie est une tradition profondément ancrée dans la foi chrétienne, particulièrement au sein de l'Église catholique. Cette conviction repose sur les Écritures, les écrits des Pères de l'Église, les conciles œcuméniques, et le Magistère. Tandis que les différentes branches du protestantisme proposent des interprétations variées, allant de la présence spirituelle à une commémoration symbolique, l'Église orthodoxe partage également avec l'Église catholique la croyance en une véritable transformation des éléments eucharistiques, tout en évitant les définitions scolastiques spécifiques.
En conclusion, la doctrine de la Présence réelle du Christ dans l'Eucharistie n'est pas un concept récent introduit en 1215, mais plutôt une conviction ancienne, confirmée et célébrée à travers les siècles. Elle s'enracine dans les pratiques et croyances des premiers chrétiens, ayant été renforcée par la liturgie, les fêtes comme la Fête-Dieu, et les réflexions théologiques développées au fil des conciles.
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