Filioque : un mot qui a séparé l’Orient et l’Occident

 Filioque : un mot qui a séparé l’Orient et l’Occident








📝 Summary (EN)

The “Filioque” (“and the Son”), added to the Nicene-Constantinopolitan Creed in the Latin West, asserts that the Holy Spirit proceeds from the Father and the Son. Rooted in Augustinian theology, it was formalized at Toledo (589) and reaffirmed at later councils. The Orthodox tradition rejects the addition, insisting the Spirit proceeds from the Father alone, as in the original Creed. This theological difference was central to the East–West Schism of 1054 and remains a key point in ecumenical dialogue today.


✒️ Article littéraire

Un seul mot, ajouté discrètement au Credo, a suffi pour creuser l’un des plus grands fossés de l’histoire chrétienne. Ce mot est latin : Filioque, « et du Fils ». Il affirme que le Saint-Esprit procède non seulement du Père, mais aussi du Fils. L’Occident l’a chanté, l’Orient s’en est indigné.

L’Écriture est le premier terrain de la dispute. Jean proclame : « L’Esprit de vérité qui procède du Père » (Jn 15,26). Les orthodoxes s’y attachent : le Père seul est principe. Mais l’Occident souligne que le Christ dit aussi : « Je vous l’enverrai » (Jn 16,7), et que Paul évoque « l’Esprit de son Fils » (Ga 4,6). L’Esprit procède du Père, mais le Fils en est inséparablement impliqué.

Les Pères de l’Église témoignent déjà de nuances. Basile le Grand affirme : « L’Esprit procède du Père et reçoit du Fils. » Cyrille d’Alexandrie parle d’une procession « à travers le Fils ». Augustin, dans son De Trinitate, va plus loin : « L’Esprit procède du Père et du Fils comme d’un seul principe. » Ainsi se creuse la différence de langage : l’Orient voit le Fils comme médiateur, l’Occident comme source commune avec le Père.

Les conciles scellent la querelle. Tolède (589) introduit le Filioque pour contrer l’arianisme. Lyon II (1274) puis Florence (1439) affirment solennellement la double procession, sans parvenir à convaincre l’Orient. Et en 1054, le désaccord doctrinal devient fracture : le grand schisme sépare Rome et Constantinople.

Depuis, le Magistère catholique a toujours confirmé le Filioque. Pie XII, Jean-Paul II l’ont répété, tout en appelant au dialogue. Benoît XVI et François insistent : le vocabulaire diffère, mais le mystère de l’Esprit nous dépasse. Dans la liturgie latine, on chante toujours : « qui procède du Père et du Fils » ; dans la liturgie byzantine, on reste fidèle au texte conciliaire original, « qui procède du Père ».

Ainsi, un mot sépare encore l’Orient et l’Occident. Mais ce mot est aussi devenu le lieu d’un dialogue œcuménique intense. Derrière la dispute sur les mots, se cache une même quête : rendre gloire à l’Esprit, lien d’amour entre le Père et le Fils, souffle qui unit l’Église malgré ses blessures.


🔑 Key Takeaways (EN)

  • Scripture: Jn 15:26 (Spirit from the Father) vs. Jn 16:7 & Gal 4:6 (Spirit linked to the Son).

  • Fathers: Augustine (Filioque), Cyril (through the Son), Basil (receives from the Son).

  • Councils: Toledo (589, first inclusion), Lyon II (1274), Florence (1439).

  • Schism: Major factor in 1054 rupture between East and West.

  • Magisterium: Reaffirmed by popes; ecumenical dialogue seeks common ground.

  • Liturgy: Latin rite includes Filioque; Byzantine keeps original creed.


📚 Sources

  • Saint Augustin, De Trinitate

  • Saint Basile, Traité du Saint-Esprit

  • Saint Cyrille d’Alexandrie, Thesaurus de sancta et consubstantiali Trinitate

  • Concile de Tolède (589), Concile de Lyon II (1274), Concile de Florence (1439)

  • Catéchisme de l’Église Catholique, §246-248

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