Un christianisme inversé ? Traces d’orthodoxie dans l’islam

 

Un christianisme inversé ? Traces d’orthodoxie dans l’islam




Le Coran affirme clairement sa rupture avec les dogmes chrétiens : il rejette la Trinité, l’incarnation divine de Jésus, la Rédemption par la Croix et la filiation divine. Par exemple, la sourate 4 (Âl ‘Imran) insiste qu’“Allah t’annonce la Parole [Sàs part] dont le nom sera le Messie, Jésus fils de Marie” et qu’“il n’est jamais qu’un Messager d’Allah… Croyez donc en Allah… Et ne dites pas ‘Trois’… Dieu est un seul Dieu… Pureté à Lui!”al-islam.org. Cette affirmation paradoxale – reconnaître Jésus comme Parole et Esprit de Dieu tout en condamnant la Trinité – se retrouve dans plusieurs passages. Le Coran nie notamment que Jésus ait été crucifié (4:157-158)al-islam.org, qu’il soit “le Troisième” (4:171)coran-seul.com, ou qu’il soit le « Fils » de Dieu (4:171, « subḥānahu an yakūna lahu waladٌ », “gloire à lui de penser qu’il aurait un fils”coran-seul.com). Ainsi, d’un point de vue chrétien, l’islam apparaît comme un « christianisme renversé » : plusieurs vérités de la foi sont modifiées ou niées par le Coran.

La vision coranique des dogmes chrétiens

Le Coran contredit explicitement chaque dogme central de la foi chrétienne. Par exemple, la Trinité et la divinité du Christ sont formellement rejetées (Coran 4:171 : « Le Christ Jésus … n’est qu’un Messager de Dieu, Sa parole… un Esprit de Sa part… Et ne dites pas “Trinité”… Dieu n’est qu’un seul Dieu… »al-islam.orgcoran-seul.com). L’Incarnation est niée : Jésus n’est pas confessé Dieu fait homme, mais « messager d’Allah ». La Croix est refusée : « ils ne l’ont ni tué ni crucifié » (4:157-158al-islam.org) et Dieu l’a élevé au ciel sans qu’il ait subi la Passion comme dit dans le Coran. Le péché originel et la filiation divine sont absents : Marie est honorée, mais on ne lui attribue pas d’Immaculée Conception chrétienne, et on ne reconnaît pas à Jésus une filiation divine. En somme, selon le Coran, Jésus reste un prophète humain, pas « Dieu sauveur » (cf. 4:157-171).

Éléments chrétiens présents dans le Coran

Malgré ces refus, le texte coranique contient plusieurs éléments théologiques qui évoquent la tradition chrétienne orthodoxe :

  • Naissance virginale de Jésus. Le Coran relate le récit miraculeux de l’Annonciation : Marie, vierge, s’étonne de porter un enfant sans père. Le texte décrit sa réponse à l’ange : « Seigneur ! Comment pourrais-je avoir un enfant alors qu’aucun homme ne m’a touchée ?» Et l’ange lui répond : « Ainsi en sera-t-il… Allah crée ce qu’Il veut ; il Lui suffit de dire “Sois”, et aussitôt c’est »noorinternational.net. Cette affirmation (Coran 3:47) précise clairement la virginité de Marie et le caractère divin de la conception.

  • Jésus, « Parole » de Dieu. Le Coran appelle explicitement Jésus une Parole Kalima ») émanant de Dieunoorinternational.net. Dans la sourate 3, le verset 45 proclame aux anges : « Allah t’annonce la bonne nouvelle d’une Parole de Sa part ; son nom sera le Messie, Jésus fils de Marie… »noorinternational.net. Ce terme de « Parole » renvoie à l’idée biblique du Verbe (Logos) dans l’Évangile de Jean, bien que le Coran n’en retire pas la même interprétation divine.

  • L’Esprit Saint à l’œuvre. Le Coran fait plusieurs fois référence à l’« Esprit Saint » (rûḥ al-quds). Par exemple, sourate 16:102 dit : « Dis : “C’est le Saint Esprit [Gabriel] qui l’a fait descendre de la part de ton Seigneur en toute vérité, afin de raffermir ceux qui croient, comme guide et bonne annonce pour les soumis [musulmans]” »coran-seul.com. Ce verset établit un lien explicite entre l’Esprit Saint et la révélation coranique elle-même, reconnaissant le rôle central de Gabriel (esprit de Dieu) dans la transmission divine.

  • La pureté de Marie. Le Coran présente Marie comme particulièrement élue et préservée. Déjà dans la sourate 3, les anges saluent Marie : « Ô Marie ! Allah t’a élue, t’a purifiée et t’a privilégiée par rapport à toutes les femmes du monde »noorinternational.net. Cet hommage à la pureté de Marie reflète une intuition voisine de la tradition chrétienne (Marie « pleine de grâce »).

  • Jésus rejetant le péché et l’idolâtrie. Bien que le Coran ne parle pas de la « péché originel » de Jésus, il rapporte Jésus lui-même réfutant toute demande d’adoration envers lui ou sa mère. Au jugement dernier (5:116-117), Allah interroge Jésus : « As-tu dit aux gens de prendre Toi et Ta mère pour deux divinités hors de Moi ?» Et Jésus répond : « Pureté à Toi ! Qu’aurais-je à dire ce à quoi je n’ai aucun droit ? Si je l’avais dit Tu l’aurais su… Je n’ai dit aux gens que ce Tu m’avais commandé: “Adorez Dieu, mon Seigneur et votre Seigneur.” »al-islam.org. Ici, Jésus insiste qu’il n’a prononcé que les paroles révélées, témoignant en quelque sorte de sa propre obéissance et innocuité.

Ces éléments (« Jésus de la Vierge », « Kalima », « Esprit Saint », « Marie élue », etc.) reprennent du vocabulaire familier à la christologie orthodoxe. Ils ne prouvent pas l’orthodoxie de l’islam (l’interprétation en est très différente), mais ils montrent des « points de contact » insolites.

Influences des courants chrétiens hétérodoxes

L’apparition de ces thèmes dans l’islam primitif peut s’expliquer historiquement par la présence, dans le monde arabo-syriaque du VIIᵉ siècle, de courants chrétiens hétérodoxes ou judéo-chrétiens. Les tribus arabes côtoyaient des missionnaires et communautés chrétiennes diverses – nestoriens, monophysites, nazôréens, ébionites, etc. Par exemple, au Yémen et en Mésopotamie lointaine vivaient des chrétiens nestoriens mettant l’accent sur la pleine humanité du Christ. D’autres chrétiens judaïsants (évoqués par les Pères de l’Église comme nazôréens/ébionites) affirmaient, comme le notent les sources, que « Jésus est simplement un homme, choisi par Dieu pour être le dernier et véritable prophète »fr.wikipedia.org. Le théologien musulman du Xe siècle Abd al-Jabbâr souligne lui-même l’existence d’une « communauté chrétienne primitive » partageant une christologie ébionite (Jésus Messie en raison de sa fidélité à la Loi)nonfiction.fr.

En outre, certains termes coraniques suggèrent des emprunts localisés. Le mot nasrâniyyûn (chantres chrétiens) employé au pluriel dans le Coran pourrait viser les chrétiens de l’est (Nasrâni désignant souvent les chrétiens de Syrie/Nestoriens)rsc.byu.edual-islam.org. L’interdit coranique sur la croix rappelle aussi une thèse gnostique/docétiste selon laquelle Jésus n’aurait pas souffert physiquement (cf. 4:157al-islam.org). Au total, on peut émettre l’hypothèse que l’islam naissant, apparu dans un milieu pluriel, a réutilisé quelques légendes chrétiennes minoritaires – virginité, « parole » et « esprit » – en les réinterprétant.

Intérêt apologétique pour le dialogue missionnaire

Ces points de convergence, bien que très imparfaits, ont un intérêt pour l’évangélisation. Ils constituent des portes d’entrée dans la discussion avec un interlocuteur musulman, pourvu qu’on les recontextualise à la lumière de la Révélation chrétienne. Par exemple :

  • Affirmer d’abord le positif. On peut commencer par saluer la clairvoyance du Coran sur Marie et Jésus : oui, Marie est vraiment vierge (cf. Matthieu 1, et Qur’an 3:47noorinternational.net) et Jésus est bien « Parole de Dieu » (cf. Jean 1). Un chrétien reconnaît volontiers ces vérités communes, pour établir un climat de respect mutuel.

  • Clarifier les différences. Puis on complète avec la foi chrétienne : l’Église enseigne que ce miracle de la Vierge n’était pas seulement un signe humain mais l’Incarnation même de Dieu (Jean 1:14). Quand le Coran appelle Jésus « la Parole » et « l’Esprit de Dieu », on explique que ces titres prennent sens pleinement dans l’Évangile (Matthieu 1:23, Jean 1:1), signifiant qu’il est consubstantiel au Père. De même, la haute vénération de Marie dans le Coran (3:42noorinternational.net la qualifie « la plus élue… purifiée ») permet d’expliquer pourquoi l’Église parle de « toute pleine de grâce » (Luc 1:28), sans en conclure pour autant, comme le Coran le redoute, que Jésus lui a été associé comme divinité (5:116al-islam.org).

  • Utiliser le langage chrétien. Par exemple, la notion de « Fils de Dieu » peut être éclaircie : si le Coran s’y oppose, c’est qu’il entend naturellement « fils charnel ». On peut dire qu’en chrétienté, « fils » veut dire « de même nature », ce qui répond à la quête musulmane d’un Dieu unique : Dieu Fils n’est pas un autre dieu mais la même Personne que le Père. Ainsi, le terme de « Trinité » n’est pas un polythéisme, mais le témoignage d’un seul Dieu en trois Personnes, ce qui peut être précisé sans recourir à l’idolâtrie dénoncée en 4:171coran-seul.com.

  • Dialoguer sur l’Esprit Saint. Le Coran reconnaît (16:102coran-seul.com) que c’est un « Esprit Saint » qui établit la révélation. Le chrétien peut rappeler que l’Esprit Saint, venu sur Jésus (Luc 4:18) puis sur l’Église (Actes 2), rend à tous compréhensible la Parole de Dieu (Jean 14:26). Ce terrain commun autour de l’Esprit permet de parler de la présence vivante de Dieu aujourd’hui et de la Trinité.

En résumé, le chrétien s’appuiera sur ces « étincelles d’orthodoxie » coraniques pour adoucir son approche, puis le cheminer graduellement vers le message complet de l’Évangile. L’idée n’est pas de valider l’islam, mais de reconnaître que, même en terre d’islam, Dieu « n’a pas laissé sans témoignage le chemin de la vertu » (Actes 14:17) – autrement dit, des fragments de vérité dans l’islam peuvent être employés comme prémices à la révélation chrétienne.

Prière d’intercession

Seigneur notre Dieu, Dieu d’Israël et des Chrétiens, Toi qui as envoyé Ta Parole éternelle en Jésus-Christ, nous Te confions nos frères et sœurs musulmans. Nous Te remercions que Ton Esprit Saint leur témoigne déjà par quelques vérités partagées – la beauté de Marie, le signe de la virginité de Jésus, l’attestation prophétique de Sa parole – et que ces semences puissent germer. Par ton Fils, illumine leurs cœurs : qu’ils comprennent que Jésus est réellement « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6) et qu’en lui ils trouvent la vie éternelle promise.

Donne aux chrétiens la sagesse et la charité dans le dialogue, pour qu’ils annoncent ton Amour en restant fidèles à l’Évangile. Que la Vierge Marie intercède pour tous ceux qui cherchent Dieu dans l’islam et qu’elle leur montre que l’humilité et la pureté honorées chez elle conduisent à son Fils. Ô Père de tendresse, convertis nos cœurs à ta vérité et prends pitié de ceux qui ignorent l’amour de ton Fils. Nous te demandons tout cela par le nom de Jésus-Christ, lumière des nations, qui vit et règne avec Toi dans l’unité du Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.

Sources : passages cités et commentés du Coran (sourates 3, 4, 5, 16 et contexte historique)al-islam.orgcoran-seul.comnoorinternational.netnoorinternational.netnoorinternational.netal-islam.orgal-islam.orgnonfiction.frfr.wikipedia.org

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