Constantin n’a pas « créé » l’Église : démêler le mythe

 

Constantin n’a pas « créé » l’Église : démêler le mythe



La légende selon laquelle Constantin aurait « inventé » l’Église chrétienne au IVᵉ siècle est fausse. En réalité, des communautés chrétiennes structurées existaient déjà depuis plusieurs siècles avant son règne. Jésus lui-même annonçait la naissance de son Église auprès des apôtres (« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église »britannica.com). Très tôt, des prêtres, évêques et fidèles se répartissaient l’encadrement des fidèles. Dès le Ier siècle, les chrétiens se réunissaient en assemblées urbaines dirigées par un évêque, assisté de presbytres et de diacresbritannica.com. On trouve même dès 50 apr. J.-C. l’épisode du concile de Jérusalem (Actes 15) réglant la question de la circoncision pour les païens convertisen.wikipedia.org. À la fin du IIᵉ siècle, Ignace d’Antioche parle déjà de « l’Église catholique » au sens de « l’Église universelle »catholic.com. Autant dire que les bases de l’Église étaient posées depuis longtemps, bien avant Constantin.

  • 64 apr. J.-C. : sous Néron, première persécution officielle des chrétiens (Tacite)en.wikipedia.org.

  • IIIᵉ siècle : persécutions locales plus ou moins sévères, selon les empereurs.

  • 250-251 : persécution généralisée sous l’empereur Décien.

  • 303–311 : « Grande persécution » lancée par Dioclétien (destruction d’églises, supplices)en.wikipedia.org.

  • 311 : l’empereur Galère met fin aux persécutions par un édit de tolérance.

  • 313 : Constantin et Licinius signent l’édit de Milan, accordant aux chrétiens la liberté de culteen.wikipedia.org. (Cette mesure place le christianisme sur un pied d’égalité avec les autres religions autorisées, mais ne fait pas du christianisme la religion d’État.)

  • 325 : concile de Nicée (premier concile œcuménique), convoqué par Constantinen.wikipedia.org.

  • 380 : l’édit de Thessalonique du successeur Théodose Ier fait du christianisme nicéen la religion d’État de l’Empireen.wikipedia.org.

Ces jalons montrent que Constantin ne « décide » pas de l’existence du christianisme. Il met fin aux persécutions et légalise le culte chrétien, mais l’Église existait déjà. Le concile de Nicée de 325 fut en effet convoqué pour régler la controverse arienne, non pour créer une Église ex nihilo. Constantin finança même le concile (déplacements et logement des évêques, mise à disposition d’une grande salle du palais) et appela les évêques à l’unité chrétienneen.wikipedia.org. Mais il n’imposa pas de doctrine nouvelle : ce sont les évêques qui rédigèrent le Credo nicéen et condamnèrent Arius. Comme le note un chroniqueur, Constantin « n’a pas imposé la vue homoousienne… il ne commanda aucun évangile au concile » et ne fut baptisé que plus de dix ans plus tarden.wikipedia.org et dans l'arianisme. En somme, Constantin se présente comme gardien de l’unité civile et religieuse, pas comme fondateur spirituel.


Au fil des années, Constantin fit évoluer sa politique : il finança des basiliques chrétiennes (Rome, Jérusalem), réglementa la discipline du clergé et encouragea le débat théologique. En 313, en particulier, il promulgua l’édit de Milan – œuvre commune avec Licinius – qui garantit officiellement la liberté religieuse aux chrétiensen.wikipedia.org. La paix qui s’ensuivit permit à l’Église de se développer librement, sans que Constantin n’intervienne sur les convictions doctrinales fondamentales. « L’esprit directeur du règne de Constantin était avant tout conservateur » note l’historien Hans Pohlsanderen.wikipedia.org: pour lui, la conversion impériale visait surtout à préserver l’unité de l’Empire. Constantin retardera d’ailleurs son propre baptême jusqu’à ses derniers moments (337)en.wikipedia.org, cherchant à optimiser sa pureté personnelle selon les usages de l’époque.

    Le concile eut pour tâche de définir la nature du Christ et l’orthodoxie (contre l’arianisme), ainsi que d’organiser l’Eglise (fixation de l’année liturgique, délimitations épiscopales, etc.). Mais tout cela existait déjà en germe : le concile nicéen n’inventait pas les sacrements (baptême des enfants, eucharistie, etc.) ni la hiérarchie cléricale, qui étaient en usage depuis plusieurs sièclesbritannica.comlistverse.com. Par exemple, les premiers évêques (comme Polycarpe de Smyrne vers 150) menaient déjà une organisation comparablecatholic.com. Dire que Constantin « créa » l’Église reviendrait à affirmer qu’aucun chrétien n’existait avant lui, ce qui est manifestement absurde.

Le « mythe Constantin » : origine et démystification

Comment ce mythe a-t-il survécu ? Souvent, il est relayé par des écrits anti-chrétiens qui caricaturent l’histoire. Pour eux, il doit exister une coupure nette « avant/ après Constantin ». Mais l’argument ne tient pas : l’Église revendiquait déjà son caractère catholique universel bien avant le IVᵉ sièclecatholic.com, et les réalités du IVᵉ siècle montrent plutôt l’inverse d’une création à partir de rien. Comme le relève un chroniqueur moderne, « de nombreux conciles (même de moindre ampleur) eurent lieu avant Nicée et l’organisation de l’Église existait depuis environ 300 ans »listverse.com. Autrement dit, les contemporains de Constantin s’inscrivaient dans une suite ininterrompue de l’Église apostolique.

Même des anecdotes célèbres sont infondées. Par exemple, la fameuse histoire (colportée par Voltaire) où Nicée trierait sur l’autel les livres de la Bible est une pure fableen.wikipedia.org. En réalité, le concile ne discuta jamais du canon des Écrituresen.wikipedia.org, et Constantin n’« inventera » pas la Bible au pied du trône impérial : il commanda seulement vers 331 une cinquantaine de copies des Écritures pour l’Église de Constantinopleen.wikipedia.org, soit bien après Nicée. De même, rien ne prouve que Constantin ait mêlé « paganisme et christianisme pour créer la prostituée de Babylone » (image tirée de l’Apocalypse) comme prétendent certains auteurs marginaliséssaintdominicsmedia.com.

En réalité, la montée du christianisme sous Constantin s’explique d’abord par la paix accordée et par son rôle de protecteur politique, et non par une volonté de « construire » ex nihilo une Église. Ce rôle peut sembler paradoxal (après tout, les conciles ecclésiastiques précédaient de loin son règne), mais il correspond au souci impérial de stabilité interne. Constantin appelait les évêques à la concorde au nom de la paix de l’Empireen.wikipedia.org. Loin d’être le « fondateur » d’une nouvelle Église, il s’est plutôt présenté comme gardien de celle qui existait déjà.

Conclusion ouverte

Au final, l’histoire montre que les idées reçues sont souvent simplistes. La vérité historique est plus nuancée qu’un mythe noir ou blanc. Constater que Constantin n’a pas « créé » l’Église, mais qu’il l’a légalisée et protégée, nous invite surtout à cultiver le doute constructif. Avant d’accepter un récit grand public, on gagnera à vérifier dans les sources et la littérature spécialisée. L’église médiévale et moderne résulte d’un long cheminement collectif, pas d’un décret impérial miraculeux. N’hésitez donc pas à poursuivre ce voyage dans l’histoire de l’Antiquité tardive : de nombreux ouvrages et articles de vulgarisation (voire des sites de fact-checking historique) approfondissent le rôle de Constantin et l’évolution du christianisme. La curiosité et l’esprit critique sont de précieux guides pour séparer le vrai du faux dans les légendes qui courent sur l’Antiquité chrétienne.

Sources et compléments : Ce texte s’appuie sur des travaux historiques récents et des textes anciens. On consultera par exemple des études sur la persécution des chrétiensen.wikipedia.org, sur le concile de Nicéenationalgeographic.fren.wikipedia.org, et sur la correspondance des Pères de l’Église (Ignace d’Antioche, etc.)catholic.com. Les citations utilisées proviennent de sources académiques (Britannica, ouvrages d’historiens modernes, documents d’archives) citées ci-dessus.

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