La critique de l’islam selon saint Thomas d’Aquin

 

La critique de l’islam selon saint Thomas d’Aquin





Introduction

Saint Thomas d’Aquin (1225–1274), l’un des plus grands théologiens médiévaux, a examiné l’islam à la lumière de la raison et de la foi chrétienne. Dans ses écrits apologétiques – en particulier la Somme contre les gentils – il applique une méthode rigoureuse pour évaluer la prétention de toute religion à la vérité divineisidore.co. Thomas estime en effet qu’une authentique révélation divine doit satisfaire un ensemble de critères rationnels et théologiques : elle doit être conforme à la raison naturelle, confirmée par des signes surnaturels (miracles et prophéties), en continuité avec les révélations antérieures de Dieu, et orientée vers la vertu en accord avec la loi morale naturelle. Dans cette perspective thomiste, le christianisme répond à ces exigences de manière supérieure, tandis que l’islam – tel que compris par Thomas – ne les remplit pas pleinement. Le présent texte argumentatif exposera fidèlement la critique de l’islam par saint Thomas d’Aquin en présentant successivement ces différents critères et en montrant pourquoi, selon lui, la révélation proclamée par Mahomet ne saurait provenir de Dieu.

L’usage de la raison naturelle chez Thomas

Foi et raison ne s’opposent pas. Un principe fondamental de la pensée thomiste est que la foi véritable ne peut contredire la raison droite. Thomas d’Aquin soutient que les vérités révélées par Dieu, bien qu’elles dépassent la raison, restent cohérentes avec les principes de la raison naturelledocumentacatholicaomnia.eudocumentacatholicaomnia.eu. Ainsi, quand il se confronte à l’islam, Thomas insiste pour mener l’analyse sur un terrain rationnel commun. Il constate que face à un musulman, l’argument d’autorité scripturaire (la Bible) est inopérant, puisque « les musulmans et les païens n’acceptent ni l’Ancien ni le Nouveau Testament » ; il faut donc en dernier ressort recourir à la raison naturelle, à laquelle chacun doit donner son assentimentisidore.co. Cette méthode, qu’il applique dans la Somme contre les gentils, vise à démontrer rationnellement la vérité de la foi chrétienne tout en réfutant les erreurs opposées.

Examiner l’islam à la lumière de la raison. Thomas d’Aquin analyse la religion fondée par Mahomet en se demandant si elle satisfait aux critères d’une authentique révélation divine intelligible à la raison. Il s’attache d’abord aux faits et aux moyens de propagation de cette religion, puis au contenu même du message islamique. Pour le Docteur Angélique, la véracité d’une doctrine religieuse se discerne en partie à ses signes de crédibilité et à sa capacité à élever l’homme vers la vérité et la vertu. Toute foi divine doit être « raisonnablement » recevable, c’est-à-dire appuyée sur des éléments qui ne violent pas notre intelligence donnée par Dieudocumentacatholicaomnia.eudocumentacatholicaomnia.eu. Dans cet esprit, Thomas n’hésite pas à confronter l’islam aux exigences de la raison : il évalue l’absence de miracles publics chez son fondateur, la conformité (ou non) de son enseignement avec la morale naturelle, ainsi que sa cohérence vis-à-vis des révélations antérieures. Cette démarche rationnelle ne vise pas à diminuer la foi, mais au contraire à montrer que la vraie foi accomplit et dépasse la raison sans jamais la contredire.

Miracles, prophéties et continuité de la révélation

L’importance des signes divins. Pour saint Thomas, Dieu ne laisse pas l’humanité accepter une nouvelle révélation sans lui offrir des signes confirmant son origine divine. Parmi ces signes, les miracles et les prophéties occupent une place centrale. En effet, un prophète véritablement envoyé par Dieu doit être accompagné de miracles authentiques, inexplicables par les seules forces de la nature, car « une œuvre visible qui ne peut être que l’œuvre de Dieu prouve que le maître de vérité est invisiblement inspiré »documentacatholicaomnia.eu. De même, les prophéties – l’annonce vérifiable d’événements futurs ou l’accomplissement des prophéties antérieures – servent de caution divine à une doctrine. Thomas souligne que le christianisme primitif a été accueilli et cru par de nombreuses âmes en raison des miracles accomplis par le Christ et ses apôtres, et des prophéties de l’Ancien Testament qui trouvaient en lui leur réalisationtheintelligencer.nettheintelligencer.net. Ces gages surnaturels ont permis à la foi chrétienne de se répandre malgré les persécutions, par la persuasion des cœurs et non par la contraintefrance-catholique.fr.

L’absence de miracles probants dans l’islam. En contraste, Thomas d’Aquin fait remarquer que Mahomet n’a pas présenté de signe d’origine surnaturelle pour authentifier sa missionfrance-catholique.fr. Dans la Somme contre les gentils, il affirme sans ambages que le fondateur de l’islam « n’a apporté aucune preuve surnaturelle, les seules à témoigner comme il convient en faveur de l’inspiration divine »documentacatholicaomnia.eu. Mahomet n’a accompli, aux yeux de Thomas, aucun miracle public comparable à ceux des prophètes bibliques ou du Christ – aucune guérison inexplicable, aucune résurrection de morts, aucun prodige visible confirmé par des témoins dignes de foi. Cette absence de miracles divins laisse, selon le théologien, un vide dans la prétention de l’islam à la provenance céleste. Au lieu de fournir des preuves par des œuvres de Dieu, Mahomet aurait revendiqué un tout autre type de « signe » : la conquête armée. Thomas rapporte en effet que Mahomet « a prétendu […] qu’il était envoyé dans la puissance des armes »documentacatholicaomnia.eu. Or, ce moyen de propagation lui apparaît foncièrement non divin : être « envoyé avec le glaive » n’est pas un signe valide, car les bandits et les tyrans aussi savent conquérir par la forcedocumentacatholicaomnia.eu. Autrement dit, la victoire militaire ne prouve nullement la vérité d’une religion – elle prouve seulement la force humaine, présente même chez les conquérants injustes. Pour Thomas d’Aquin, la foi chrétienne au contraire n’a conquis les âmes que par la puissance de la vérité et des miracles, non par la violence matérielle. Le recours de l’islam à l’épée pour s’établir est donc un indice, aux yeux de Thomas, que cette religion manque du sceau d’authenticité divine qui est la douceur persuasive de la vérité accompagnée de miracles.

Mahomet et le critère prophétique. Un autre critère de crédibilité religieuse est la place des prophéties. Thomas observe qu’aucune prophétie antérieure ne légitime la mission de Mahomet : « Aucune prophétie divine ne témoigne en sa faveur », écrit-il sans détourdocumentacatholicaomnia.eu. Contrairement au Christ – annoncé par une longue série de prophètes dans l’Ancien Testament et dont la venue accomplit ces annonces messianiques – Mahomet n’avait pas été préfiguré de manière crédible dans la révélation biblique. Certaines interprétations musulmanes tenteront certes de lire la venue de Mahomet dans la Bible, mais Thomas considère qu’il « déforme les enseignements de l’Ancien et du Nouveau Testament par des récits légendaires »documentacatholicaomnia.eu. Autrement dit, les références scripturaires que Mahomet invoque sont, aux yeux du théologien, altérées et tirées de leur sens original pour servir son message. Cette discontinuité avec la révélation antérieure est rédhibitoire dans la perspective chrétienne de Thomas : le Dieu véridique ne saurait se contredire ni abandonner ses promesses. Si l’enseignement du Coran s’écarte de celui de l’Évangile et de la Torah sur des points essentiels (tels que la divinité du Christ, la rédemption par la Croix, la paternité spirituelle de Dieu, etc.), c’est qu’il ne provient pas du même Esprit de vérité. Thomas voit dans le fait que Mahomet interdise même à ses fidèles la lecture des Écritures antérieures un aveu implicite de cette rupture : d’après lui, c’est « par une mesure pleine d’astuce » que Mahomet a prohibé à ses disciples la lecture de la Bible, « qui pourrait le convaincre de fausseté »documentacatholicaomnia.eu. Une religion vraiment envoyée par Dieu aurait au contraire embrassé l’ancienne Révélation, la confirmant et l’éclairant, au lieu de la rejeter ou de la censurer. En somme, selon saint Thomas, le message islamique manque des deux grands sceaux de légitimation divine : il n’est confirmé ni par des miracles publics indubitables, ni par l’appui d’une prophétie antérieure authentique et cohérente avec l’ensemble du plan divin.

Conformité morale et loi naturelle : l’épreuve de la vertu

Un message doit élever moralement l’homme. Outre les signes extérieurs, Thomas d’Aquin évalue une religion à sa conformité avec la loi morale naturelle inscrite dans le cœur humain. La raison naturelle permet en effet de discerner un certain nombre de biens et de maux objectifs (le respect de la vie, la justice, la fidélité, la tempérance, etc.). Dieu, source de la loi morale, ne saurait donc donner une révélation qui encourage le vice ou flatte désordonnément les appétits inférieurs de l’homme. Au contraire, la sainteté de la doctrine peut être vue comme un signe interne de sa vérité : l’Évangile du Christ, par exemple, appelle à la pureté du cœur, au pardon des offenses, au don de soi et au mépris des biens purement terrestres – choses qui, bien que difficiles, correspondent à un idéal moral élevé, digne de Dieudocumentacatholicaomnia.eu. Thomas note d’ailleurs que les premiers chrétiens ont embrassé librement ces exigences sublimes, soutenus par la grâce, et que cette haute moralité de vie a contribué à convaincre les gens de la divinité de la foi chrétienne (beaucoup s’émerveillaient de voir les martyrs préférer la mort aux compromissions, les apôtres mener une vie chaste et pauvre à l’imitation du Christ, etc.).

L’attrait des “plaisirs charnels” dans l’islam. En regard, Thomas d’Aquin porte un jugement sévère sur le contenu moral de l’islam tel qu’il le connaît. Selon lui, l’enseignement de Mahomet abaisse l’exigence morale en flattant la concupiscence humaine au lieu de la redresser. « C’est le cas évidemment de Mahomet, écrit Thomas, qui a séduit les peuples par des promesses de voluptés charnelles au désir desquelles pousse la concupiscence de la chair »documentacatholicaomnia.eu. En effet, il constate que l’islam promet à ses fidèles une félicité paradisiaque très matérielle (jouissances sensuelles, plaisirs du palais et du lit dans le paradis coranique), et qu’il autorise déjà sur terre des pratiques que la morale chrétienne réprouve comme désordonnées – par exemple la polygamie, la répudiation facile des épouses, la concupiscence encouragée par la perspective d’un harem céleste, etc. Thomas résume ainsi son accusation : Mahomet a « lâché la bride à la volupté » et donné des préceptes conformes à ces promesses sensuelles, de sorte que les hommes « charnels » pouvaient facilement obéir à sa loidocumentacatholicaomnia.eudocumentacatholicaomnia.eu. Autrement dit, la religion musulmane, à ses débuts, n’exigeait pas de conversion morale profonde ni de renoncement aux penchants de la chair – au contraire, elle les accommodait. Cette complaisance envers les désirs terrestres lui assurait un succès aisé auprès de personnes peu disposées à la vertu austère. « Comme il fallait s’y attendre, les hommes portés sur la chair le suivaient en tout », note sèchement Thomasfrance-catholique.fr. La conséquence, selon lui, est que l’islam a surtout séduit « des hommes charnels » et qu’aucun homme sage ou vertueux de prime abord ne s’y rallia. En effet, Thomas souligne que « ceux qui dès le début crurent en [Mahomet] ne furent point des sages instruits des sciences divines et humaines, mais des hommes sauvages, habitants des déserts, complètement ignorants de toute science de Dieu »documentacatholicaomnia.eu. En d’autres termes, les personnes dotées d’une formation spirituelle ou philosophique ne trouvèrent pas, dans les débuts de l’islam, de quoi les convaincre moralement ou intellectuellement – ce furent surtout des individus frustes qui embrassèrent cette voie, précisément parce qu’elle leur paraissait facile et adaptée à leurs convoitises. Thomas y voit le signe que l’islam n’élève pas l’homme vers les sommets de la vertu comme le fait le christianisme, mais qu’il s’accommode de sa faiblesse pour rallier le plus grand nombre.

Le christianisme versus l’islam sur le plan moral. À travers ce contraste, saint Thomas d’Aquin affirme implicitement la supériorité morale du christianisme. La foi chrétienne – bien qu’offrant le pardon des péchés par grâce – propose un idéal éthique exigeant (imiter la sainteté de Dieu, pratiquer les vertus cardinales et théologales, porter sa croix, etc.), ce qui témoigne selon Thomas de sa crédibilité divine : une religion inventée par des hommes faux n’aurait pas placé si haut la barre de la moralité, car rien d’humain n’explique raisonnablement qu’on attire des foules en prêchant la chasteté, l’humilité et l’amour des ennemisdocumentacatholicaomnia.eudocumentacatholicaomnia.eu. C’est pourquoi la croissance du christianisme primitif, malgré ses lourdes exigences spirituelles, apparaît à Thomas comme « la plus grande des miracles » – un signe manifeste que Dieu agissait pour toucher les cœursdocumentacatholicaomnia.eu. À l’inverse, estime-t-il, le succès de l’islam s’explique humainement par des causes secondes : l’attrait des plaisirs permis et l’usage de la coercition. Une doctrine moins austère a naturellement plus de facilité à recruter, et si l’on y ajoute la conquête militaire, on obtient une expansion rapide mais purement humaine. Thomas va jusqu’à dire que Mahomet, pour pallier l’absence de justification spirituelle profonde, a dû imposer sa loi « par la violence des armes » en s’appuyant sur la multitude de ses partisans ignorantsdocumentacatholicaomnia.eu. Un tel procédé contraste fortement, selon lui, avec l’expansion pacifique du christianisme par la conviction des esprits et le témoignage de la sainteté. Il souligne enfin que Mahomet a su habilement interdire toute remise en question en cloisonnant ses fidèles dans un système fermé : en proscrivant la lecture critique des textes bibliques et en disqualifiant d’avance les sources extérieures, il a évité que ses adeptes ne comparent l’éthique ou la doctrine islamique avec l’héritage judéo-chrétiendocumentacatholicaomnia.eu. Pour Thomas, cette défiance envers la raison critique et le patrimoine moral universel trahit l’origine simplement humaine – voire erronée – d’une telle religion. Une vraie révélation, au contraire, invite à « examiner toutes choses et retenir ce qui est bon » (cf. 1 Th 5,21) sans craindre la vérité.

Conclusion

En définitive, la critique thomiste de l’islam s’articule autour d’un argumentaire rationnel et théologique cohérent : saint Thomas d’Aquin confronte la religion de Mahomet aux critères qu’il juge indispensables à toute révélation divine authentique. Il constate que le message islamique, tel qu’il le connaît au XIIIè siècle, ne s’accrédite ni par des miracles publics ni par des prophéties vérifiables – au contraire du christianisme solidement appuyé sur la résurrection du Christ et l’annonce prophétique bimillénaire qui l’a précédéfrance-catholique.frdocumentacatholicaomnia.eu. Il déplore aussi que l’islam se soit répandu par la conquête plutôt que par le témoignage patient de la vérité, voyant là le procédé des puissances terrestres plutôt que celui de Dieudocumentacatholicaomnia.eu. Sur le plan doctrinal et moral, Thomas reproche à l’islam d’encourager des comportements contraires à la noble austérité de la loi naturelle, en flattant les désirs charnels là où le christianisme invite à la maîtrise de soi et à la charitédocumentacatholicaomnia.eudocumentacatholicaomnia.eu. Il souligne enfin la rupture de l’islam avec les Écritures antérieures, rupture scellée par l’interdiction de les lire, ce qui lui apparaît comme une stratégie humaine pour éviter la contradiction plutôt que comme la continuité harmonieuse propre à l’économie divinedocumentacatholicaomnia.eu. Fort de ces observations, saint Thomas conclut que la foi musulmane ne porte pas les marques d’une origine divine véritable. Ses mots, empreints de la rudesse du contexte polémique de son époque, vont jusqu’à qualifier de « déraisonnable » la crédulité de ceux qui adhèrent aux paroles de Mahomet sans examiner ces manques évidentsdocumentacatholicaomnia.eu.

En exposant la pensée de saint Thomas d’Aquin avec rigueur, on mesure combien, pour ce théologien, la supériorité du christianisme sur l’islam est manifeste à la lumière conjointe de la raison et de la foi. Loin d’être un rejet aveugle, sa critique s’appuie sur des principes clairs : Dieu étant la Vérité et la Bonté parfaites, sa révélation doit s’authentifier par la vérité rationnelle, par des signes divins irréfutables et par une élévation morale indéniable. Selon saint Thomas, le christianisme accomplit pleinement ces conditions – confirmant ainsi son origine transcendante – tandis que l’islam, ne les satisfaisant pas, porte la marque des limites de l’humain. Cette position tranchée, formulée au XIIIè siècle, invite le lecteur cultivé à réfléchir sur les critères de discernement du vrai et du faux dans le domaine religieux, et sur l’harmonisation nécessaire entre la foi et la raison dans la quête de la vérité. Les analyses thomistes, bien que marquées par leur temps, témoignent de la conviction que la foi chrétienne, loin d’avoir peur de l’examen rationnel, y trouve au contraire un allié pour manifester sa crédibilité divine. Saint Thomas d’Aquin, en somme, affirme la primauté de la vérité qui, selon lui, resplendit davantage dans le message du Christ que dans celui de Mahomet – une vérité corroborée par des miracles, des prophéties et une sainteté de vie, autant de gages dont l’islam, à ses yeux, reste dépourvu.

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