Quand les hommes riaient des jours sans luxure

 

Quand les hommes riaient des jours sans luxure




On s’est gaussé pendant des siècles des « superstitions » médiévales : l’Église qui interdisait de « besogner » son épouse le vendredi ou le dimanche, qui proscrivait le lit conjugal aux portes du Carême, qui regardait d’un œil noir les accouplements pendant l’Avent. Les modernes, gonflés d’orgueil et d’hormones, n’y ont vu que castration de la joie et tyrannie du prêtre sur la chambre à coucher.

Mais eux, les moqueurs, qu’ont-ils produit sinon l’usine à grossesses non désirées, les charniers discrets des hôpitaux et la bouillie hormonale recrachée par les égouts dans les entrailles des poissons ? Ah ! Ces génies émancipés ont inventé la pilule qui rend les rivières stériles, le préservatif qu’on jette comme un ticket de métro, et la liberté sexuelle qui ne sait plus ce qu’elle fait de ses enfants.

Les moines, eux, avaient réglé la question à leur manière : une liturgie du corps. Le Carême pour purifier, l’Avent pour attendre, le vendredi pour pleurer le sang du Christ. Et au détour, quelques soirs permis, sanctifiés par le temps et la patience. Ils ne parlaient pas d’écologie, mais déjà ils pratiquaient une forme de retenue qui évitait que chaque chaumière croule sous quinze marmots faméliques.

On ricane de ces paysans qui comptaient les jours saints pour savoir quand s’aimer. On ne rit pas des modernes qui comptent les pilules et se shootent aux hormones pour mieux aligner leur libido sur leur planning de bureau. Les premiers vivaient au rythme du clocher, les seconds au rythme du smartphone : qui est le plus esclave ?

Ô ironie sublime : ce Moyen Âge que l’on accuse d’obscurantisme avait trouvé un équilibre mystérieux, presque organique, entre la chair et l’esprit. Et nous, fils du Progrès, nous avons transformé le plaisir en marchandise, la fécondité en maladie, et l’enfant en accident de parcours.

Peut-être qu’un jour, fatigués de rire, nous comprendrons que ces vieux interdits étaient une sagesse : non pas une haine du corps, mais la reconnaissance que le corps a besoin d’un calendrier, comme la terre a besoin de saisons. Et que l’homme qui ignore cela finit par brûler son lit conjugal comme il brûle la planète.

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